Une victime de Vachon voit son incapacité permanente reconnue

28 novembre 2011

Des évaluations psychologiques et psychiatriques de l’ex-conjointe de Jacques Vachon, représentée devant le Tribunal administratif du Québec par Me Marc Bellemare, ont démontré que les agressions sexuelles et physiques et le harcèlement répété du bourreau de Saint-Just-de-Bretenières étaient entièrement responsables de l’incapacité permanente de celle-ci.

Le Soleil,?Patrice Laroche

Publié par : Le Soleil de Ian Bussières

(Québec) Le Tribunal administratif du Québec (TAQ) a donné raison lundi dernier à une femme de 49 ans qui avait été pendant huit ans l’une des victimes des sévices physiques et sexuels de Jacques Vachon en lui permettant de bénéficier d’une rente mensuelle 20 fois plus élevée que celle qui lui avait été accordée au départ.

 

«L’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) essayait de mettre ça [ses problèmes psychologiques] sur le compte d’autre chose, par exemple les deuils que j’ai vécus, et disait qu’il n’y avait que 5 % de mes problèmes qui étaient dus à ce que m’a fait subir Jacques Vachon», explique Renée [nom fictif] au Soleil.En fait, l’IVAC avait refusé de lui donner droit aux indemnités dans une première décision, alors que la deuxième établissait son taux d’incapacité permanente à 5 %, ce qui lui permettait de toucher une rente mensuelle de 89 $.

«C’est très peu pour avoir été battue presque quotidiennement pendant huit ans», poursuit celle qui a ensuite fait appel à l’avocat Marc Bellemare pour la représenter devant le TAQ.

Renée n’avait que 15 ans quand elle a fait la connaissance de Jacques Vachon, qui subira bientôt un nouveau procès après avoir été condamné à 23 ans de prison pour avoir infligé des sévices physiques et sexuels à cinq femmes pendant plus de 30 ans. Elle a vécu avec lui pendant huit ans, subissant ses sévices, puis étant ensuite harcelée par lui en 2006.

Dépressive et craintive

Cette relation l’a laissée dépressive, la poussant même à avoir des idées suicidaires. En plus de problèmes de concentration et de mémoire, elle a toujours peur de son agresseur, même après son arrestation en 2008. Elle craint qu’il sorte de prison et la tue.

Une évaluation psychiatrique réalisée à la demande de Me Bellemare a révélé une dépression majeure installée sur la base d’un syndrome de stress post-traumatique et, encore en septembre, le psychiatre notait que Renée était très dépressive, presque sidérée, et qu’elle avait de la difficulté à parler.

Les juges administratifs Claire E. Auger et Lise Bibeau se sont basées sur les évaluations psychologiques et psychiatriques pour estimer que la preuve prépondérante démontrait que ce sont les agressions sexuelles et physiques et le harcèlement répété de son ex-conjoint qui sont responsables de sa situation actuelle et pour établir à 100 % son pourcentage d’incapacité permanente, ce qui hausse sa rente mensuelle à 1780 $.

La femme affirme que si elle ne règle pas tous ses problèmes, cette décision compense toutefois un peu le choc qu’elle a subi en apprenant que son agresseur subirait un autre procès. Me Bellemare signale pour sa part que des situations comme celles de Renée sont malheureusement chose commune à l’IVAC.

«Parmi les trois grands régimes d’indemnisation du Québec, l’IVAC est vraiment le pire. Il n’a pas changé depuis son implantation en 1972, ses délais sont très longs, il y a peu d’équité entre l’IVAC et les citoyens et on fait très peu d’efforts pour réintégrer les victimes dans la société. Dans notre cas, l’IVAC n’avait au départ pas appuyé sa décision par une preuve psychiatrique au dossier. Elle avait fixé le pourcentage à 5 % de façon tout à fait arbitraire», conclut l’avocat.

Incapable de tourner la page

Pour Renée, la décision de la Cour d’appel accordant un nouveau procès à son agresseur Jacques Vachon a eu l’effet d’une douche froide. «Je suis littéralement tombée à genoux quand je l’ai appris», confie la femme qui tente tant bien que mal de s’affranchir de son terrible passé.

«Le pire dans tout ça, c’est justement que je ne suis pas capable de me débarrasser des pensées du passé. Il faut que je les garde présentes tout le temps, car ça s’en va vers un nouveau procès et que je devrai témoigner encore une fois. Je ne peux pas passer à autre chose!» explique l’ex-conjointe du bourreau de Saint-Just-de-Bretenières.

Vachon s’est vu accorder un nouveau procès après que la Cour d’appel ait déterminé que l’avocat qui le représentait, Me Germain Côté, était incompétent. Me Côté a démissionné du Barreau en plus d’en être radié à vie.

Difficile à digérer

Renée a aussi très mal digéré la demande de remise en liberté de Vachon. «J’espère qu’ils ne lui accorderont pas. Je suis toujours dans la peur et s’il est remis en liberté, j’ai peur qu’il revienne pour me tuer. J’ai tellement hâte de pouvoir enfin enterrer ce passé-là et de passer à autre chose», poursuit-elle.

Heureusement pour elle, Renée reçoit l’appui de ses proches, notamment de son nouveau conjoint, qu’elle a épousé en 2001. Celui-ci s’explique également très mal la décision de la Cour d’appel.

«J’ai suivi le procès et je trouve que ça a été très bien fait. J’aimerais que la Cour d’appel explique mieux sa décision à la population parce que les victimes passent une bonne partie de leur vie dans l’inquiétude», déclare-t-il. Selon l’avocat Marc Bellemare, qui avait été ministre de la Justice en 2003 et 2004, son successeur Jean-Marc Fournier devrait même s’opposer à cette décision de la Cour d’appel et la contester jusqu’en Cour suprême.

«Il faut que M. Fournier fasse ça si vraiment il s’intéresse aux victimes. Car dans sa décision, la Cour d’appel n’a pas du tout tenu compte des victimes et ça crée un précédent dangereux. Il a 60 jours pour demander une permission d’en appeler en Cour suprême, qu’est-ce qu’il attend pour le faire? Je suis très inquiet de son silence.»