Plaidoyer pour les sans-voix

Le rapport de la Protectrice du citoyen aurait... (La Presse canadienne, Jacques Boissinot)

(Québec) CHRONIQUE / Pendant que les politiciens et les médias… hé oui… font l’actualité avec les petites guéguerres partisanes, le petit peuple parvient rarement à se faire entendre auprès des décideurs et à faire bouger les choses. C’est le cas des victimes d’actes criminels, dont le sort a fait l’objet d’un rapport percutant de la Protectrice du citoyen la semaine dernière. Résumé de la chose : le régime d’indemnisation (IVAC) est désuet et ses fonctionnaires manquent d’empathie envers les victimes. «Le régime est géré pour les exclure davantage que pour leur accorder des services qui sont prévus», écrit la protectrice, Raymonde Saint-Germain. C’est grave comme constat et ça aurait mérité une réaction immédiate et en personne de la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée. On attend toujours…

GILBERT LAVOIE | Le Soleil

À la place, on a eu droit hier à une sortie virulente de l’avocat Marc Bellemare, lui-même un ancien ministre de la Justice. Évidemment, Bellemare plaide pour sa cause puisqu’il fait depuis longtemps sa spécialité des batailles menées par les victimes d’actes criminels ou d’accidents de la route pour obtenir justice. Mais il y a des faits dans son texte : depuis 2014, les délais de révision ont doublé. Après un refus, la victime peut faire appel au Tribunal administratif du Québec (TAQ), mais là également, le délai d’attente est en progression. Il a atteint 21,8 mois en 2015! Selon Bellemare, 18 postes de juges sur 128 demeurent vacants. Et que fait la ministre? «M. Bellemare a droit à son opinion», répond sa porte-parole, en ajoutant que Mme Vallée accueille le rapport de la Protectrice «avec sérieux et rigueur».

Les partis d’opposition se chargeront de Mme Vallée. Mais en attendant, que font les responsables du Fonds d’aide aux victimes d’actes criminels (FAVAC) devant un tel constat? Et que font les dirigeants des Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC)? Leur mandat «d’accompagnement» des victimes va très loin, mais ces organismes ne sont pas connus et sont sous-utilisés. Admettez qu’on ne s’aide pas avec des acronymes comme l’IVAC, le FAVAC, le CAVAC. Quel jargon de fonctionnaires…

Pourtant, ce n’est pas l’argent qui manque. Les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels sont en partie financés par les radars photo que le ministère des Transports a installés sur nos routes. Le printemps dernier, on a appris que le Fonds d’aide, qui redistribue l’argent des amendes, nage dans un surplus accumulé de 25 millions $. Il y a deux semaines, ma collègue Annie Morin a découvert qu’à eux seuls, les automobilistes de Gatineau et de Québec ont versé un total de 5,5 millions $ en amendes depuis octobre dernier. Vous imaginez la manne pour le Québec au complet? C’en est devenu indécent. Et ce qui l’est davantage, c’est que le gouvernement Couillard a changé la loi le printemps dernier pour mettre la patte sur une partie de ces amendes qui devaient à l’origine aller aux politiques d’aide aux victimes d’actes criminels.

Faites l’addition de tous ces faits, et vous comprendrez que la ministre de la Justice n’a aucun prétexte pour justifier ce qui se passe, ou pour demeurer passive devant la situation dénoncée par la Protectrice du citoyen. Son bureau a beau dire que les politiques québécoises pour les victimes d’actes criminels sont plus généreuses qu’ailleurs au pays, ce n’est pas ça qui est en cause. Ce dont il est question ici, c’est du respect de la loi touchant l’indemnisation des victimes. Et ce que la Protectrice du citoyen a démontré, c’est que l’IVAC ne respecte pas la lettre ni même l’esprit de cette loi. Point final.