Loi du no-fault: nouvelle charge pour obtenir justice

Les blessures de Nancy Leblond remontent au 18 décembre 1995, lorsqu'elle... (PHOTO FOURNIE PAR NANCY LEBLOND) - image 2.0

Sa qualité de vie ruinée par un coussin gonflable défectueux, Nancy Leblond veut convaincre le gouvernement Legault de modifier la loi du no-fault.

PHOTO FOURNIE PAR NANCY LEBLOND
NICOLAS BÉRUBÉ/La Presse
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Nancy Leblond avale plus de 10 000 comprimés de médicaments par année et ne sort pratiquement jamais de chez elle l’hiver – le froid est si douloureux pour son visage qu’il provoque des crises qui l’envoient recevoir des piqûres de morphine aux urgences.

« Ce n’est pas une vie, mais je n’ai pas le choix », dit-elle.

Mme Leblond implore la population de l’appuyer dans une nouvelle démarche qu’elle lance auprès du gouvernement Legault afin qu’il modifie la loi du no-fault.

Ailleurs en Amérique du Nord, Nancy Leblond aurait pu intenter des poursuites civiles contre GM, le constructeur automobile impliqué dans l’accident qui a changé sa vie. Or, au Québec, le régime sans égard à la responsabilité (no-fault, en anglais) interdit cette démarche et, dans les faits, protège les constructeurs automobiles de poursuites.

Le gouvernement Couillard avait refusé d’aller de l’avant avec sa demande, mais Mme Leblond et l’avocat Marc Bellemare, qui l’épaule dans cette affaire, croient que le gouvernement de François Legault peut poser un regard neuf sur la question.

« Avec la CAQ, il y a de l’espoir, dit Me Bellemare. Avec les libéraux et les péquistes, il n’y en a jamais eu. »

Coussin gonflable défectueux

Les blessures de Mme Leblond remontent au 18 décembre 1995, lorsqu’elle était passagère dans une voiture GM impliquée dans une collision à basse vitesse à Montréal. Le coussin gonflable devant elle a mal fonctionné : au lieu de se gonfler, il lui a projeté au visage un gaz dont la température était de -200 °C.

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Les blessures de Nancy Leblond remontent au 18 décembre 1995, lorsqu’elle était passagère dans une voiture GM impliquée dans une collision à basse vitesse à Montréal.

Mme Leblond a subi une série d’opérations à la mâchoire. En 2004, son médecin a confirmé qu’elle était inapte à travailler et qu’elle souffrait de séquelles graves, chroniques et irréversibles.

Depuis, Mme Leblond et son conjoint, son aidant naturel, touchent des prestations de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) qui correspondent au salaire minimum.

Mme Leblond aimerait pouvoir poursuivre GM pour obtenir un dédommagement qui puisse lui permettre de passer l’hiver dans un pays chaud et sec, sans changement brusque de température.

« Si je vivais dans un climat chaud et sec, je prendrais moins de pilules. Ce que les pilules font, c’est geler mon cerveau pour que je ne sache pas que j’ai mal. Je vis chez moi huit mois par année, comme une soeur cloîtrée. » – Nancy Leblond

Maintes façons de modifier la loi, estime Bellemare

C’est Sylvain Lévesque, député de Chauveau, qui a accepté de parrainer le dépôt de la pétition de Mme Leblond, qui est actuellement ouverte jusqu’au 22 mai.

Me Marc Bellemare est impressionné par la démarche de Mme Leblond. « Nancy, elle a un gros problème de santé, mais ce n’est pas la ténacité qui est son problème. »

Le fait que la loi du no-fault protège les constructeurs automobiles est une « aberration », dit-il, ajoutant que Mme Leblond aurait depuis longtemps pu poursuivre GM si l’accident avait eu lieu au Nouveau-Brunswick ou en Ontario.

« Quand un véhicule est mal conçu, il peut causer des dommages. Et c’est plus répandu qu’on le croit : quantité de gens m’appellent et me disent qu’ils ont été blessés par un véhicule défectueux. » – Me Marc Bellemare, avocat de Nancy Leblond

Me Bellemare estime qu’il y a plusieurs façons de modifier la loi du no-fault sans fragiliser les principes sur lesquels elle s’appuie.

« Par exemple, le gouvernement pourrait modifier la loi pour que les constructeurs automobiles cotisent au régime d’indemnisation de la SAAQ. Actuellement, ils contribuent au risque de façon importante, mais ils ne cotisent pas en tant que constructeurs. Ce sont les citoyens qui paient la note. »

Cela fait 41 ans que la loi de la SAAQ n’a pas été réexaminée, note Me Bellemare. « Les constructeurs automobiles ont encore carte blanche au Québec », dit-il.