Le délai de prescription pour agression sexuelle sera bientôt aboli

Des victimes présumées de prêtres pédophiles ont retrouvé l’espoir d’obtenir finalement justice, jeudi, grâce à l’abolition prochaine du délai de prescription pour intenter une poursuite civile en matière d’agression sexuelle.
« C’est historique », lance l’avocat spécialisé dans la défense de victimes d’actes criminels Marc Bellemare.

Patrick Bellerose
Source:
Le Journal de Québec

La ministre de la Justice, Sonia LeBel, a déposé jeudi un projet de loi qui vise à rendre « imprescriptible » une poursuite civile en matière d’agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l’enfance ou de violence conjugale.

« Tous et toutes pourront maintenant avoir l’occasion de faire valoir leurs droits », a résumé Mme LeBel.

En cas de décès de l’agresseur, la victime aura trois ans pour intenter un recours contre sa succession. Cette mesure ne s’applique pas aux communautés religieuses, qui pourront être poursuivies bien après la mort de l’agresseur.

Jusqu’en 2013, une victime avait trois ans après le présumé crime pour intenter une poursuite. Sous le gouvernement Marois, cette période a été portée à 30 ans. Mais ce n’était pas rétroactif.

66 ans de cauchemar

Gaétan Bégin, 79 ans, peinait à contenir ses émotions devant l’Assemblée nationale. « Je pourrai dire à mes arrière-petits-enfants qu’il y a un système de justice au Québec qui fonctionne », a-t-il lancé. Disant avoir été agressé par un prêtre en Beauce à l’âge de 13 ans, il affirme vivre un « cauchemar » depuis 66 ans en raison de la prescription qui l’empêchait d’obtenir réparation.Dès l’adoption du projet de loi, qui pourrait subvenir d’ici le 12 juin prochain, M. Bégin entend déposer une poursuite contre les autorités religieuses qui ont protégé sont présumé agresseur, aujourd’hui décédé.

L’annonce a aussi eu l’effet d’un baume pour les requérants dans le recours collectif intenté contre la congrégation de Sainte-Croix, dont certains s’étaient fait refuser un recours. « On a actuellement une quarantaine de victimes pour une indemnité moyenne de 100 000$ », explique Me Alain Arsenault. Dans le dossier des Oblats, 190 personnes espèrent aussi un règlement. Et c’est sans compter tous ceux qui se manifesteront une fois les recours collectifs réglés.

Clientèle vieillissante

Malgré tout, Me Bellemare ne s’attend pas nécessairement à un déferlement de nouvelles poursuites. « Il faut comprendre qu’il y a une clientèle vieillissante », dit l’ancien ministre de la Justice. S’il salue le courage de M. Bégin, d’autres octogénaires n’auront peut-être ni la force ni la santé pour se lancer dans un tel processus judiciaire, souligne l’avocat.

Au diocèse de Québec, l’évêque auxiliaire Marc Pelchat accueille positivement l’annonce de Québec. « Le pape François a dit, en 2018, qu’il n’y a pas de prescription sur les blessures », rappelle Mgr Pelchat. Il est « normal », souligne le prélat, de chercher à déterminer si les autorités religieuses « ont cherché à protéger l’agresseur ».

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