Des cyclistes hantés par les portières des voitures

le 16 mai 2011 à 05h00

Il est possible pour un cycliste de poursuivre un conducteur sortant de son véhicule et ouvrant sa portière sans regarder au préalable. Cette avenue juridique ne fonctionne toutefois que lorsque le fautif est solvable.

Publié par : Le Soleil, Samuel Auger

(Québec) Il y a bien peu de cas où un cycliste victime d’un accident grave peut entamer des poursuites judiciaires contre un autre usager de la route.

Le recours aux tribunaux est autorisé s’il s’agit d’une collision entre un piéton et un cycliste, entre deux cyclistes ou entre un cycliste et un véhicule garé.

Il est également possible de poursuivre une municipalité si l’état de la chaussée ou un aménagement urbain dangereux sont en cause.

Toute implication d’un véhicule à moteur en mouvement dans un accident empêche les recours civils, et ce, en raison de l’adoption au Québec en 1978 d’un régime d’indemnisation sans égard à la faute (no-fault).

Les cyclistes retiendront de cette précision qu’il est possible de poursuivre un conducteur sortant de son véhicule et ouvrant sa portière sans regarder au préalable.

Cette idée d’une portière de voiture s’ouvrant subitement hante bon nombre de cyclistes urbains.

La fin de semaine dernière, à Montréal, un homme a ouvert sa portière de la sorte et a fauché un cycliste. Ce dernier a été très grièvement blessé. Le conducteur, sous le choc, a fait une crise cardiaque, à laquelle il a survécu.

Le code de la route stipule qu’il est dans l’obligation de l’automobiliste de vérifier si la voie est libre avant de sortir de son véhicule.

Contravention

Si jamais un conducteur est pris en flagrant délit, il est passible d’une contravention de 30 à 60 $. Même si un cycliste perd la vie en raison de ce geste illégal.

 

«C’est totalement ridicule», s’insurge Suzanne Lareau, pdg de Vélo Québec. «C’est un geste anodin, que tout le monde fait régulièrement, et qui a eu des conséquences dramatiques sur la vie de quelqu’un. C’est comme si on banalisait ça en disant que c’est un accident bête», ajoute Mme Lareau.

La victime – ou ses proches – a le loisir d’intenter des recours civils dans une telle situation. Cette avenue juridique ne fonctionne toutefois que lorsque le fautif est solvable.

Pour l’avocat Marc Bellemare, qui a consacré une partie de sa carrière politique à pourfendre le no-fault, il est grand temps de revoir la notion de responsabilité. «J’ai toujours pensé que ça déresponsabilisait la conduite, surtout pour les mauvais conducteurs. Et je suis encore convaincu qu’il y aurait moins d’accidents en abolissant le no-fault, où les gens auraient à payer pour les conséquences de leurs actes.»

«Ce n’est pas dangereux»

De tous les usagers de la route, les cyclistes sont ceux qui détiennent le meilleur bilan routier, soutient Suzanne Lareau, pdg de Vélo Québec. «Quand on regarde le nombre de décès et de blessés graves, il y a quatre fois plus de piétons qui meurent ou sont blessés gravement, et 23 fois plus de passagers de véhicules moteurs qui sont tués ou blessés gravement.»

La surmédiatisation des collisions mortelles impliquant un vélo laisse toutefois croire selon elle qu’il est dangereux de rouler au Québec. «On s’attarde beaucoup aux accidents de vélo, et ça a un effet insidieux. Ça envoie le message aux gens : le vélo, c’est dangereux, regardez. Mais ce n’est pas plus dangereux que de rouler en voiture dans la rue, le vélo. Et c’est là-dessus que je trouve qu’il faut faire attention.»