Absurdité réglementaire

Publié le: vendredi 01 février 2013

Au Québec en 2013, il vaut mieux qu’un enfant meure sous les roues d’une automobile plutôt que d’être assassiné. Parce que ceux qui survivent aux horreurs sont toujours victimes d’une ridicule discrimination financière. Je m’explique.

Michel Hébert
Journal de Québec

 

Vous aviez peut-être cru que les choses avaient changé depuis qu’Isabelle Gaston avait dénoncé l’absurdité des règles appliquées par le ministère de la Justice. Vous aviez tort, rien n’a changé, ou si peu…

 

En voici un bel exemple : quand il a ouvert la lettre de la Direction de l’indemnisation des victimes d’actes criminels, René Desautels, 32 ans, n’en croyait pas ses yeux. On lui refusait de compenser sa perte de revenus sous prétexte qu’il n’était pas lui-même une victime… «Vous n’avez pas été personnellement victime d’un acte criminel», lui a écrit un fonctionnaire de l’IVAC.

 

René Desaultels est pourtant bien amoché. Quand ce jeune père de famille de la région de Drummondville se rend en catastrophe au logement de son ex, il y découvre ses trois jeunes enfants morts. Deux d’entre eux sont couchés sous l’eau dans la baignoire, noyés par leur mère.

 

Depuis ce fatidique 2 décembre, les images de ses enfants morts lui reviennent sans cesse à l’esprit, il multiplie les cauchemars et s’enlise. Il n’a pas l’énergie que nécessitent les opérations de la petite entreprise agricole qui assurait sa subsistance.

 

Des pinottes

 

Mais l’IVAC ne lui accorde que 2 000 $ par enfant. Des pinottes en 2013. Ça aurait dû être cinq fois plus mais le projet de loi proposé l’an dernier par Jean-Marc Fournier, ministre de la Justice dans le gouvernement de Jean Charest, n’a jamais été adopté. L’IVAC applique donc ses bonnes vieilles règles.

 

Peu de choses ont donc changé depuis qu’Isabelle Gaston a défrayé la manchette à la suite du meurtre de ses enfants, commis par leur père, Guy Turcotte. Pourtant, si les enfants de René Desautels, ou ceux de Mme Gaston, avaient été heurtés mortellement par une automobile, la SAAQ leur aurait versé une indemnité de 52 000 $ par enfant. L’avocat de M. Desautels, Me Marc Bellemare, trouve ridicule la disparité des divers régimes publics de remplacement du revenu. Une formule universelle s’impose, selon lui.

 

L’actuel ministre de la Justice, Bertrand St-Arnaud, promet qu’un nouveau projet de loi sera déposé à l’Assemblée nationale avant le 21 février. En attendant, Sylvie Roy, députée caquiste d’Arthabaska, lui suggère de puiser dans son budget «discrétionnaire» pour aider M. Desautels à payer ses dépenses courantes. Le temps qu’il aille mieux et que les règles soient changées.